Skip to main content

Réponses rédigées par Eric Gaillat, Associé Cofondateur de Calao Finance (Fonds de Capital Investissement) et François Morazin, Avocat.



La cession d’une entreprise, quelle qu’elle soit (PME, commerces, etc.), est un moment clé pour son ou ses
dirigeants/gérants. En effet, les implications fiscales et patrimoniales sont nombreuses.


Dans ce cadre, il existe le dispositif d’apport-cession encadré par les dispositions de l’article 150-0 B ter du
code général des impôts. En résumé, ce dispositif permet d’optimiser la fiscalité en réinvestissant une partie
des fonds reçus lors de la vente de l’entreprise.


Quel est l’enjeu du dispositif pour un dirigeant qui cède son entreprise ?
C’est très simple. Après avoir passé plusieurs années à développer son entreprise, quand le dirigeant la cède, le prix de vente est souvent essentiellement de la plus-value. Au-delà de cas particuliers, la taxation sera de 30% (flat tax) ce qui n’est pas anodin.
Le dispositif dit d’apport-cession, détaillé dans l’article 150-0 B ter du code général des impôts, permet d’obtenir un report de cette imposition. Cela se fait en trois temps, d’abord l’apport des titres de l’entreprise à un holding, la cession de l’entreprise par ce holding et enfin le remploi d’une partie des fonds issues de la vente. En résumé le législateur encourage le cédant à réinvestir dans l’économie en contrepartie d’un cadre fiscal plus favorable, ce qui fait sens.

L’interlocuteur naturel du chef d’entreprise est l’expert-comptable, mais comme il y a des interactions fiscales et patrimoniales, il doit, selon nous, se faire aussi accompagner d’un gestionnaire de patrimoine qui pourra utilement s’adjoindre les
services d’un fiscaliste afin de vérifier que « tout est au carré ». Ce type de conseil juridique a un coût mais au regard des sommes en jeux et de l’optimisation qui peut en découler, c’est marginal.

Cela concerne quel type d’entreprises cédées ?
Absolument tout type, du moment qu’il y a une activité commerciale, de la PME industrielle, à la société de service, de la boulangerie à la pharmacie.
A noter que notamment pour les SEL exploitant une pharmacie, il faut impérativement, avant la cession, apportée les titres à une société constituée sous la forme d’une SPFPL (Société de Participations Financières de Professions Libérales).

Le dirigeant a donc deux options lors de la vente, céder en direct ou via sa holding ?
Oui, mais il faut qu’il choisisse avant de céder son entreprise. Ainsi, s’il opte pour l’apport-cession, comme son nom l’indique il faudra d’abord apporter les titres à une holding qu’il contrôlera, puis ensuite céder son entreprise via sa holding. Nous le précisons car nous avons parfois des chefs d’entreprise qui ont cédé leur entreprise en direct et ensuite veulent bénéficier du report d’imposition : c’est alors trop tard ! Il faut procéder à l’apport à une holding impérativement en amont de la cession.

Après il est possible, selon le souhait du dirigeant de panacher les deux options selon ses objectifs patrimoniaux. En effet le produit de cession du holding est indisponible car placé. Ainsi on observe souvent des dirigeants qui cèdent une partie des titres en direct, ils payent certes la plus-value mais disposent des fonds librement et, par ailleurs, apportent le reste des titres à leur holding afin
d’optimiser le schéma fiscal.

Dans la pratique, comment cela fonctionne ?
Prenons l’exemple d’une cession pour 1M€, le holding du dirigeant aura alors 2 ans pour réinvestir 60% du montant perçu en investissant dans des PME. Rappelons que l’assiette considérée est le montant de la vente, donc le produit de cession, pas la plus-value.

Il y a donc dans le holding la partie à réinvestir en PME pour le 150-0 B Ter et quid du reste ?
Le cédant, via son holding, va donc réinvestir 60% du produits de cession en PME dans le cadre du 150-0 B Ter. Pour le solde dans son holding, soit 40%, il fait ce qu’il veut, il peut investir dans tous supports en direct ou via des OPC. C’est totalement libre. Là aussi le gestionnaire de patrimoine peut intervenir et proposer différentes allocations.

Dans quel type de PME peut-on réinvestir ?
Il faut investir dans des PME ayant une activité économique éligible par la loi. Le cadre est large et quasiment tout type d’activités est éligible, mais il faut quand même vérifier car il y a des exclusions !

Le holding du cédant peut donc investir en direct ou via des solutions mutualisées, quelles sont les différences ?
Il y a plusieurs paramètres. Un dirigeant cédant qui réinvestit en direct devra déjà veiller lui-même à l’éligibilité juridique de son investissement. Ensuite il sera pertinent d’avoir un pacte d’actionnaires, cela se négocie et ce n’est pas toujours simple : investir dans une PME n’est pas très compliqué, en sortir, et si possible avec plus-value, c’est plus compliqué, au-delà de toutes les convictions qu’on a en investissant. Enfin, un dirigeant cédant pourra investir en direct, potentiellement, dans une ou deux, voire trois PME, souvent dans son environnement. Le « deal flow » (nombre de PME analysées- ndlr) et la diversification du risque seront plutôt faibles.

A l’inverse, le recours à des supports mutualisés permet de profiter d’une plus grande diversification avec plusieurs participations et d’un suivi jusqu’à la cession. Également, cela permet de bénéficier d’une sécurité juridique sur l’ensemble du montage. Selon nous, il faut impérativement recourir au service d’une société de gestion agréée par l’AMF, c’est l’assurance d’avoir un montage dans les règles, car celles-ci évoluent régulièrement.

Pour conclure, sur quels points souhaiteriez-vous insister ?
Tout d’abord, quitte à se répéter, préparer le schéma d’apport-cession, avant de céder. Sinon ce n’est juridiquement plus possible. Ensuite, une fois l’apport-cession réalisé, ne pas trop attendre car si la date limite pour investir est dépassée, il n’y a plus rien à faire et quand on est hors délai, la plus-value
devient exigible par ailleurs…c’est la double peine !